Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Pierre, bénévole engagé au sein de diverses associations telles qu’OCIVELO, le CAC42 ou encore le Club d’espéranto ! Alsacien d’origine, il a emménagé à Saint-Etienne en 1983 afin d’enseigner le français à des étrangers.Découvrez le riche parcours associatif de ce retraité débordant d’énergie !
Comment en êtes-vous venu à participer à la vie associative stéphanoise ?
À Saint-Étienne, il y a beaucoup d’associations ! Concernant l’association OCIVELO, au départ, j’étais un simple usager. C’est un atelier d’entretien au vélo qui m’avait intéressé.
Je vois aussi des associations qui s’intéressent à la vie municipale ou d’autres qui s’intéressaient à la dette de Saint-Étienne. Il faut savoir que la ville avait signé des emprunts auprès des banques. Mais ces prêts étaient à taux variables. Dans l’ancienne municipalité, on a réussi à sortir de 2 emprunts : un avec la Royal Bank of Scotland et l’autre avec la Deutsche Bank. Je m’étais intéressé à ces problématiques et j’avais rejoint des gens qui étaient engagés citoyennement. J’étais entré dans un collectif : le Collectif pour un Audit Citoyen de la dette (CAC42). La mairie nous avait reçu quand la municipalité faisait des réunions publiques sur les finances de Saint-Étienne.
En tant qu’adhérant, vous êtes très actif au sein d’OCIVELO, quelle est votre vision sur cette association ?
Vous vous souvenez de la dernière phrase de Candide de Voltaire : « Il faut cultiver son jardin » ? Quand on est à OCIVELO, on cultive notre jardin : on récupère les vélos, on les répare et on les met en circulation. Ça fait l’affaire de beaucoup ! On fait du recyclage, ça évite le gaspillage. À OCIVELO, il y a toute une philosophie de développement durable, de citoyenneté dans la ville, et de partage. Quand les gens viennent à un atelier participatif, chacun répare sa bicyclette avec de l’aide. Il y a une bonne ambiance, ça créer du lien. Les municipalités de Saint-Étienne, qu’elles soient de droite ou gauche, peuvent voir ce genre d’association que d’un bon œil. Ça participe vraiment à créer du lien dans la ville !
Au sujet du vélo, on dit toujours que les voitures ne font pas attention ! Mais comparé à ce que c’était il y a 20 ans, ça va mieux ! Certaines voitures se rangent pour vous laisser passer ! Et puis même la SNCF fait des progrès à ce sujet. Il y a quelques années, quand j’allais travailler à Lyon, il était impossible de mettre un vélo dans le train ! Maintenant il y a des espaces pour le mettre. La SNCF a donc fini par comprendre. Heureusement, car ils sont largement subventionnés par les régions pour offrir un meilleur service. Quand on a 10 personnes sur un vélo, ça fait déjà 10 voitures de moins en ville !
Il y a des gens qui n’aiment pas le vélo, qui ont peur de tomber, il faut ne l’imposer à personne. Mais il faut faire la place au vélo ! C’est une façon de réduire la pollution. Et c’est bon pour la santé !
Vous êtes également bénévole au sein du club d’espéranto, une langue internationale instaurée pour se comprendre plus facilement quand on vient de divers pays. Comment vous est venue cette envie de vous engager dans cette voie ?
Il se trouve que dans les années 70-75, j’avais envie de voyager. En Allemagne, Tchéquie, et la communication n’était pas facile avec les gens rencontrés. J’essayais de parler avec mon petit allemand appris à la maison. Un jour, on m’a dit d’essayer l’espéranto. On ne trouve pas des espérantophones à tous les coins de rue, mais j’ai pu rencontrer des gens qui m’ont accueilli chez eux, qui m’ont fait visiter leur ville en Tchéquie, Allemagne, Pologne…
J’utilise beaucoup cette langue car je suis secrétaire de l’association. On a une quinzaine de membres dans celle-ci. On anime des cours, on essaie de la faire connaître. Récemment, j’ai eu l’occasion de présenter l’espéranto devant des jeunes de service civique ! J’ai également des Africains qui se sont mis à l’espéranto. Ça leur apporte une dimension particulière car il y a beaucoup d’ethnies. Et souvent, ils sont obligés d’utiliser la langue de leur ancien colonisateur, sinon ils ne se comprendraient pas entre eux.
Aujourd’hui, les associations sont de plus en plus prises dans le jeu de l’appel d’offre afin de vivre, quel est votre avis sur ce phénomène ?
Nous allons prendre l’exemple des personnes qui viennent en France dans le cadre d’un rapprochement familiale et les associations qui sont dans ce domaine. Le gouvernement a rendu obligatoire des cours de français. Il fait donc des appels d’offres. Aujourd’hui, on ne sait plus ce qu’est le mieux disant, mais on sait ce qu’est le moins disant. Donc c’est celui qui est le moins cher qui a le marché !
Les associations se retrouvent alors face à des personnes qui ne savent pas écrire, lire et d’autres qui ont fait des études, apprennent plus vite. Pour le formateur, c’est donc une gymnastique intellectuelle. C’est très compliqué ! Et tous les 2 ans, les appels d’offres sont relancés. Quand on met 2 ans à construire quelque chose et que vous le perdez, c’est dur. C’est assez mal fait. J’ai une amie qui faisait ça et elle a fini par renoncer pour devenir aide-ménagère !
Avez-vous rencontré d’autres associations qui connaissent des difficultés ?
On m’a demandé de participer à la vie d’une association quidonne des cours d’alphabétisation, français, cuisine, couture. Elle est très connue dans le quartier. Les gens y sont attachés. La seule salariée de l’association a été obligé d’être licenciée car il n’y avait pas de subventions. J’ai vu dans le journal LA TRIBUNE que plusieurs associations de Montreynaud sont en grandes difficultés ! Il y en a une qui a carrément déposé le bilan. Son rôle, c’était de distribuer des repas gratuits pour les pauvres. Elle a fermé boutique. On peut se poser des questions… C’est compliqué comme situation. Puisque l’Etat ne verse plus ce qu’il faut, les charges sociales reviennent au département, notamment le RSA. Les départements dépensent donc de plus en plus. Du coup, ils réduisent leurs dépenses à côté et les associations le ressentent.
Vous semblez très sensible aux questions citoyennes, comment définiriez-vous la citoyenneté ?
C’est sortir de son petit individualisme. Dès que vous commencez à avoir ne serait-ce qu’un point de vue en dehors de votre intérêt personnel, dès que vous pensez un peu aux autres, vous avez déjà une approche citoyenne !
Photo et propos recueillis par Jennifer Laude